Allocution du 8 mai 2022 (Cérémonie du 77ème anniversaire du 8 Mai 1945)
Mesdames et Messieurs les représentants des associations patriotiques,
Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et Messieurs les familles de résistants et d’anciens combattants,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités civiles et militaires,
Mesdames et Messieurs les élu·e·s,
Les enfants du CME et des écoles,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis chalettois,
Il y a 77 ans, mardi 8 mai 1945, toutes les cloches de notre pays saluaient la fin de la 2ème guerre mondiale.
La France pouvait enfin tourner une page douloureuse, tragique, terrifiante et dramatique de son histoire.
Cependant cette page, nous la rouvrons chaque année, pour ne pas oublier, pour transmettre ce qu’a été cette période sombre de l’histoire de l’humanité, cette horreur absolue de la domination fasciste sur l’Europe, la plus grande entreprise d’asservissement des peuples, les millions de déportés, les victimes de la Shoah, les fusillés et les morts, pour avoir résisté à Hitler, Mussolini, Franco, Pétain.
Nous la rouvrons aussi pour rendre hommage à toutes ces victimes, pour faire vivre leur souvenir, pour dire également aux combattants de toutes les armées du monde, notre reconnaissance et notre respect, pour eux qui s’étaient unis pour reconquérir notre liberté, leur liberté. C’est grâce à leur engagement et leur sacrifice qu’ils y sont parvenus.
Commémorer, au sens littéral du terme, c’est « se rappeler ensemble ». Cela est très important dans la vie d’une nation de rappeler les faits marquants de son histoire, tout en dénonçant les mécanismes qui ont amené la mort des dizaines de millions de personnes, que ce soit dans les combats, les prises d’otages ou dans les camps d’extermination.
En effet, dès l’accession d’Hitler au pouvoir par l’intermédiaire des urnes, les ennemis sont désignés : les juifs, boucs émissaires de la crise économique qui sévit alors, les démocrates, les socialistes, les communistes et les syndicalistes, premières forces d’opposition au nazisme, et coupables de vouloir un monde plus juste, plus libre et fraternel.
Ils sont pourchassés, internés pour fournir une main d’œuvre bon marché aux entreprises allemandes ; ils sont éliminés, afin que toute opposition politique, syndicale, résistante, soit écrasée, afin que toutes les populations considérées comme inutiles ou nuisibles (Roms, homosexuels, Tziganes, Slaves, handicapés) soient exterminées.
Aussi le 8 mai 1945, un peu partout en Europe et dans le monde, des centaines de millions d’êtres humains respirent : le fascisme est enfin abattu en Allemagne ; la Wermacht, les SS, la Gestapo, les camps de la mort sont militairement anéantis. Cette victoire sans précédent est celle des peuples eux-mêmes, celle des démocraties. Des peuples se sont sacrifiés pour qu’elle soit complète et décisive.
Le 8 mai 1945, partout en France, sous le ciel bleu et le soleil, c’est un immense soulagement qui l’emporte : soulagement que la guerre soit finie, soulagement que l’Allemagne nazie ait capitulé sans conditions, soulagement car la peur de cette guerre qui n’en finissait pas s’éloigne, soulagement aussi pour tous ceux -les jeunes notamment – pour qui l’avenir prend enfin un sens.
Mais le 8 mai 1945, c’est aussi de l’amertume, avec l’ombre de celles et ceux qui ne reviendront pas, « les absents » qui ont donné leur vie, ou dont on l’a prise, pour que la France soit libérée.
C’est également l’angoisse de l’attente de ceux qui étaient partis dans les camps de concentration et dont les premiers libérés donnent une terrible image.
Le 8 mai 1945, c’est enfin une date symbole de l’immense espoir soulevé par le programme du Conseil National de la Résistance, porté par des exigences de réformes économiques et sociales profondes : Sécurité Sociale et retraites généralisées, droit à la culture et à l’éducation pour tous, presse délivrée de l’argent et de la corruption, lois sociales, ouvrières et agricoles.
Tout cela nous rappelle qu’aujourd’hui, nous avons un rude combat à mener pour justement éviter le démantèlement de tous ces acquis que nombre de pays dans le monde nous envient.
N’oublions pas non plus que ce programme a servi de feuille de route dans les années d’après-guerre pour la reconstruction d’une France sur de nouvelles fondations, sur la prospérité économique et la démocratie.
A partir du 8 mai 1945, comme partout en France, Chalette panse ses plaies.
Cependant, à la différence de certaines communes qui ont atrocement souffert, à travers leurs populations (Oradour, Tulle, Argenton, Maillé …) ou leur destruction (Nantes, Brest, Saint-Nazaire, …), notre ville a eu relativement peu de victimes : une quarantaine en tout.
Pourtant, aucun quartier n’a été épargné en 1944 par les bombes : le Bourg, le Lancy, la Pontonnerie, le Château Blanc subiront d’importants dommages.
Et comme ailleurs, le fol espoir engendré par la Libération et la fin de la guerre va très vite se heurter aux réalités rencontrées : celles d’une France meurtrie, dévastée, où tout est à reconstruire, avec une industrie manquant de matières premières.
Hutchinson, le poumon économique de Chalette, n’échappe pas à cette règle : avec 2600 ouvriers, son effectif a diminué de moitié depuis 1939. Le coût de la vie augmente au rythme d’une inflation galopante, les salaires ne suivent pas, aussi débrayages et grèves se succèdent à l’usine, d’autant que beaucoup d’ouvriers ne comprennent pas qu’après les longues années de guerre et de souffrances, doivent s’ajouter de nouvelles privations.
Il faudra d’ailleurs que Marcel Paul (ministre de la production industrielle du Général de Gaulle) et Albert Rigal (député communiste du Loiret jusqu’en 1951) se déplacent pour faire redémarrer la production à Hutchinson.
Aujourd’hui, donc, nous accomplissons cet acte de mémoire, un hommage dédié à la paix.
Nous accomplissons un devoir essentiel, celui de transmettre aux jeunes générations la connaissance du réel.
A l’heure où nous ne pouvons qu’entendre les douloureux échos du temps frapper à notre porte à travers le conflit russo-ukrainien, nous avons le devoir de dire à nos enfants, à nos jeunes, combien la guerre est atroce, combien elle est porteuse d’anéantissement.
Nous avons le devoir d’ancrer dans leur mémoire collective, comme dans la nôtre, toutes ses horreurs.
A Chalette, Ville de Paix, Ville de Solidarité, Ville du Bien Vivre Ensemble, la grande famille des anciens combattants de toutes les guerres, les élus et tous ceux qui œuvrent au quotidien pour l’avènement de la fraternité et de la coopération entre les peuples savent qu’ils doivent encore faire progresser leur idéal.
Ensemble, nous partageons la conviction que c’est en faisant vivre cette aspiration universelle que nous nous montrerons dignes de la mémoire de toutes celles et de tous ceux qui ont combattu pour que nous puissions aujourd’hui célébrer ce 77ème anniversaire de la victoire du 8 mai 1945 : la victoire de la fraternité sur l’intolérance, la victoire de la lumière sur les ténèbres, la victoire de la vie sur la mort.
La leçon indispensable du 8 mai 1945, enfin, est de rappeler sans cesse que nous devons chasser de nos comportements la haine raciale, la xénophobie et la violence.
N’oublions pas que « dans chaque période de crise, la question de l’immigration est remise au cœur de l’actualité sous l’impulsion de l’extrême droite, qui nourrit l’idée que les étrangers prennent le pain et le travail des français ».
L’étranger, le migrant, l’exilé, le sans papier sont chaque jour davantage traités de boucs émissaires auxquels est attribuée la responsabilité d ’une crise mondiale sans frontières, alors qu’ils en sont eux-mêmes les premières victimes.
C’est pourquoi à Chalette, comme partout ailleurs, nous avons le devoir de travailler ensemble pour empêcher le retour des idéologies obscurantistes, racistes et criminelles qui, partout en Europe, et comme dans les années 30, ressurgissent sur fond de crise, porteuses des mêmes dangers et des mêmes risques pour l’Humanité.
C’est de cette manière que nous pourrons faire en sorte que nos valeurs républicaines Liberté, Egalité, Fraternité ne soient pas des mots vides sur les frontons de nos mairies et nos monuments aux morts.
Ainsi, comme le disait si bien Jean Moulin, « Cherchez ce qui vous unit plutôt que ce qui vous divise ».
Enfin, je ne pourrai terminer mon propos sans citer ces quelques vers de Paul Eluard :
« Il y a des mots qui font vivreEt ce sont des mots innocentsLe mot chaleur le mot confianceAmour justice et le mot libertéLe mot courage et le mot découvrirEt le mot frère et le mot camarade »
Et à Chalette, ces mots, chaque jour, nous nous employons à les faire vivre.
Mesdames, Messieurs,
je vous remercie de votre attention.
Anne Pascaud, Maire-Adjointe en charge de la vie scolaire et périscolaire